02/27/2006

Le B2B français est resté à quai

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

La FEVAD nous avait habitué à une observation assidue de l’e-commerce version B2C, elle se préoccupe maintenant de B2B et elle a bien raison. Cette livraison vient en effet sanctionner une réalité cruelle. Celle de voir l’e-commerce B2B français être resté à quai et faire de ce domaine une lanterne rouge européenne. Voir, par exemple, la part de marché en ligne du voyage d’affaire à 8% en France quand elle est de 40% en Angleterre laisse en effet songeur.

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Personnellement, cela ne m’étonne pas. J’avais déjà souligné le retard de phase de l’e-commerce français en général, ou pointé il y a déjà 15 mois la faiblesse chronique du taux d’entreprises françaises à acheter en ligne. Bien plus que le constat, c’est bien cette stagnation qui inquiète le plus à la lecture de l’étude la FEVAD. Même si ce sont deux approches différentes, celle-ci espère que les succès du B2C vont finir par donner des envies de B2B dans les entreprises, mais si le premier progresse à grandes enjambées, le second n’a pas encore décollé.
Dans ses recommandations, la FEVAD propose une observation du B2B (c’est effectivement plus que judicieux) et milite pour la dématérialisation des procédures d’achat, notamment dans le secteur public.
Or, que n’est-il pas croustillant de mettre en vis-à-vis les constats de la FEVAD et celui bien connu des usages des plateformes publiques de dématérialisation. Les entreprises en sont massivement des non-usagers. L’Etat et les collectivités locales ont largement investies en ce domaine, mais ce que confirment ce que l’on entend dans les réunions de sensibilisation qui ont fleuries depuis le constat et maintenant donc l’étude de la FEVAD, c’est que les entreprises, notamment les PME, ne sont pas prêtes à cela. Tout simplement.
Dans le registre de la dématérialisation, on peut par ailleurs s’interroger sur le rôle de l’e-procurement. On attendrait que là où il a été mis en oeuvre, cela aide à développer la prise de consciences des enjeux numériques, notamment dans les PME. Mais ce n’est pas le cas non plus ici aussi. L’e-procurement n’est en effet pas un secteur des plus développés. Il a lui aussi pâti des expériences de la bulle.
Tout se passe en effet comme si son éclatement avait ancré dans la tête des dirigeants d’entreprises français l’idée que l’internet en général et l’e-commerce en particulier n’étaient pas un bon terrain d’investissement. Les chiffres montrent effectivement un sous-investissement chronique dans les technologies. Quand en décembre dernier Laurent Dupin se posait la question de savoir s’il pouvait y avoir entreprise sans ERP, nous étions je pense dans le registre du lieu commun, à ceci près qu’il ne l’est pas pour tout le monde !
Pour ma part, je pense que le mal est plus profond.
Il n’y a pas encore de véritable prise de conscience que le monde change et que les échanges dématérialisés deviennent de plus en plus centraux. À regarder notre nombril, nous ne nous rendons pas compte combien cette évolution est bien plus avancée dans d’autres pays d’Europe et pas seulement au nord, l’Espagne est par exemple devant nous.
Le problème de fonds se situe au niveau de la vision et de la stratégie. C’est ma conviction et je la vérifie tous les jours auprès des entreprises qui e-commercent et que nous accompagnons au niveau stratégique et très en amont. Un projet d’e-commerce, ce n’est pas la question de vendre en ligne ou pas, ce n’est pas un simple canal de vente. Cela concerne le système d’information, avec des outils cohérents, pertinents en terme métier et surtout articulés avec le changement de fonds qu’impulse le projet dans TOUS les secteurs de l’entreprise, avec une vraie problématique organisationnelle et RH par ailleurs. L’investissement dans les technologies doit s’inscrire dans un vrai plan stratégique à long terme, pas dans une vision souvent limitée à répondre à de simples problématiques fonctionnelles.
Comme l’aime à la rappeler Bertrand Vigneron, DG de Wesco, une entreprise comme on aimerai en voir plus souvent, le projet que j’ai l’honneur d’accompagner viendra couronner l’année prochaine une démarche de 7 ans, avec une offre B2B et B2C pan-européenne.
Car c’est bien à l’échelle continentale que se situe le problème. Si vous n’y êtes pas, vos concurrents y sont et ils ont de bonne chance d’être anglais ou allemands. Fort de leur expérience sur un marché local fort, ils sont déjà positionnés sur le marché européen, ou en passe de l’être.
C’est cela notre problème. Le marché français du B2B et du B2C est en retard de phase avec les autres et ne nous permet pas de bénéficier d’un écosystème favorable au niveau européen.
Ce n’est pas en claquant dans les doigts que l’on se lance dans l’e-commerce, encore faut-il s’être engagé dans une politique numérique durable et globale. Ce n’est pas avec des mesurettes que les entreprises françaises vont s’y mettre. Il faut certainement relancer le soutien à l’accompagnement de fonds, sur la stratégie. C’est là que le bas blesse !

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