11/05/2006

Digg ou la gouvernance en question

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

C’était l’affaire de l’été, celle qui s’était conclue par lechangement des modalités de classement des top users chez Digg. En synthèse la différentiation des “top submitters” (contributeurs) des “top diggers” (disons les utilisateurs aptes à extraire les meilleurs billets) avec une pondération fondée sur la diversification des sources et des votes. Objectif : éviter les notoriétés “artificielles” tirées de communautés organisées votant en masse pour tel ou tel et différencier ceux qui créent de ceux qui “buzzent” (bourdonnent en bon français).
Deux mois plus tard, Digg est en croissance, à 20 millions de visiteurs par mois, mais fait face à la fronde de ses principaux contributeurs. En effet, avec le changement de règles du jeu, les habitudes sur lesquelles les principaux contributeurs entretenaient leur notoriété sont mises en échec. Ça paraît évident et ça ne plaît pas du tout aux intéressés, qui n’hésitent pas à poser la question est-ce que Digg veux nous faire partir ?. Mieux, Digg a directement supprimé les comptes de ceux qui pratiquaient trop ouvertement les techniques incriminées. Malheureusement, certains étaient des utilisateurs influents et, sous la pression, Digg a du réactiver leur compte.


Dans un (nouveau) monde où la création de valeur est intimement liée à l’activité des utilisateurs, la question qui se pose est évidemment celle de la gouvernance. Avec la règle du 1%, celle qui voit 30% des contenus de la page d’accueil dépendre de 10 Digg-users seulement, l’algorithme de réputation du système vaut mode d’élection et quelque part attente de démocratie. Ce que cette histoire révèle, c’est que les utilisateurs ne sont pas des moutons et qu’ils aspirent à peser sur la gouvernance du système, surtout quand les décisions qui sont prises remettent en cause la valeur première qu’ils en tirent : leur (chère) notoriété.
Voilà donc un très sympathique rapport de force qui vient éclairer un enjeu majeur actuel qui interpelle les services 2.0. Quand la notoriété est la valeur que retirent les utilisateurs du service, il faut que les règles du jeu soient claires et durables, faute de quoi la confiance en prend un coup. Or, les gens sont intelligents et savent construire des tactiques pour profiter des failles du modèle afin de développer leur notoriété à bon compte. Digg a visiblement considéré que son modèle lui échappait et qu’il était vital pour lui de reprendre la main, quitte à prendre le risque de la confrontation avec l’élite de ses utilisateurs actuels.
Sur le fonds, je crois que Digg comme les autres ne peuvent ignorer l’importance de leurs principaux contributeurs, d’une part parce qu’ils représentent l’essentielle de la création de contenus et d’usages, d’autre part parce que ces derniers tirent profit de la notoriété acquise. Changer les règles de constitution de la notoriété ne peut se faire sans eux, ou alors il faut être certain du renouvellement de cette population et s’assurer qua la capacité de buzz négatif de ces gens ne nuise pas trop à la confiance dans la marque. Au moment où l’on négocie un rachat ou de grands accords avec des groupes médias, tout cela me semble un peu léger.

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