02/03/2010

Web² : la nouvelle révolution industrielle

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

En septembre dernier, survolté par un Lift Marseille mémorable, j’avais consacré un billet enflammé sur le web². Depuis, de l’eau a (un peu) coulé sous les ponts et il me semble que cette nouvelle proposition d’O’Reilly a surtout suscité de la circonspection, sinon du mépris. Tout le monde baratine sur un futur drivé par le digital. On tourne en rond sur le web sémantique, en oubliant que c’est un objectif de la décennie, pas de demain matin. Cela génère déjà de la déception, comme c’est déjà le cas avec la réalité augmentée. Cela démontre à qui veut bien le regarder que l’on est dans l’inflation technoïde, pas dans la rupture d’usages qu’a marqué le web 2.0 en son temps.
Je reste sur ma conviction qu’il ne s’agit pas d’un nouveau palier pour le web, que la rupture est dans la démocratisation de l’innovation, jusque dans l’appropriation de la fonction R&D par les gens eux-mêmes, que l’impact sera dans le réel. Les révolutions sont d’abord souterraines.

Il n’est qu’à voir ce qui se passe du côté du crowdsourcing pour considérer que l’extension du domaine des idées n’est pas un gadget, mais bien un facteur de performance qui se pose aujourd’hui.
Dans le web², il y a deux composantes : les objets et la faculté du web est à être support et moteur de l’innovation. C’est très bien de réfléchir aux meilleurs outils, interfaces et systèmes, au marché émergent et central que ça représente très clairement pour n’importe quel industrie, mais l’essentiel est dans ce que les gens en font. Alors certes qui dit marché dit le fait que tout le monde regarde vers ceux qui ont un carnet de chèque. Ceci explique cela, mais c’est aussi une leçon du web 2.0 d’avoir vu naître la suite dans l’ombre.
Pendant ce temps, en effet; la multitude de ceux qui se servent du web a compris que le web c’était de l’innovation à portée de la main. Ce n’est pas une petite chose que des gens préfèrent couper le chauffage et manger moins, plutôt que de se couper du web. Au parlement européen et au Conseil Constitutionnel, il n’est pas fortui que l’on ait entendu parler de droit fondamental en 2009. C’est déjà comme ça que les gens le comprennent. Pour eux, la vraie exclusion, c’est d’être déconnecté (à bon entendeur …).
Nos vieilles sociétés industrielles sont pleines de savoir-faire, de gens éduqués, intelligents, passionnés et grégaires. Le web est plein d’infos et de moyens de collaboration. Ajoutez, par exemple, l’électronique open-source et les outils de prototypage et vous obtenez des légions de bidouilleurs de toute sorte qui ne se contentent pas de parler ou de faire des dessins. Ils réalisent directement des choses. Il faudrait cesser de parler de la génération Y telle qu’on en parle et regarder la tendance lourde au DIY qu’elle cache.
J’étais à ce titre fasciné et effrayé par les biopunks, ceux qui font des biotechs dans leur garage, mais il semble que ce soit innofensif. Ouf, sauf que ce ne sont qu’une secte parmi celles des légions de nerds en tout genre.
On n’a pas prêté attention, derrière le routeur anti-hadopi qu’il ne sortait pas d’une entreprise ou d’une organisation patentée, mais d’une initiative aussi spontanée que ponctuelle, et performante. Il suffisait de l’inventer. …

Inutile de dire que c’est avec une joie non dissimulée que j’ai reçu l’article de Chris Anderson intitulé In the Next Industrial Revolution, Atoms Are the New Bits. Oui, la nouvelle révolution industrielle est dans le réel, pas dans le digital.
Le digital a pris la main, inutile d’attendre un palier supplémentaire. La gestion de l’information, c’était bon pour le XXe siècle. La collaboration est un mot dépassé qui faisait dire à Howard Rheingold en 2006 qu’il était trop grossier et qu’il en fallait plusieurs. C’était il y a 4 ans. le XXIe est celui de la performance dans l’innovation. Apple en fait la démonstration à chaque sortie et personne n’arrive encore à suivre. Le logiciel libre a transformé l’essai depuis longtemps. Ce n’est pas un problème de technologie, mais de synthèse créative appliquée, de modèle social d’innovation (social=les gens).

Les outils n’ont pas d’idées, ce sont les gens qui s’en servent qui leur en donnent et qui fabriquent de la valeur. Actuellement, comme avec les technologies de l’information au début de ce siècle, ce sont les gens qui sont en train de trouver comment faire. La logique voudra que l’industrie observe d’abord cette émergence comme une menace. L’industrie culturelle est effectivement pionnière. J’espère pour ma part qu’il y aura des entrepreneurs visionnaires qui sauront voir le surcroît de valeur et de performance de ce changement. La relation entre la marque et le consommateur n’est qu’un paravent à bien plus qu’un peu de réputation …

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