04/22/2010

Gestion d’une crise éruptive avec les réseaux sociaux : le cas des compagnies aériennes

Author: Manuel Diaz

Les compagnies aériennes, voilà un sujet d’étude plus qu’intéressant en matière de communication. Elles doivent en effet toucher un public conséquent et varié. De l’homme d’affaire au touriste “low cost”, elles se doivent d’être présentes sur tous les “médias” où ces personnes sont susceptibles de rechercher de l’information et opèrent dans un secteur où la réputation et le “buzz” positif ou négatif font et défont des réputations à vitesse grand V. C’est encore plus vrai en période de crise. Il s’agit là d’informer à la fois de manière collective et individualisée, d’avoir un message “scalable” facilement relayable d’individu à individu et d’être présent partout. Y compris – et peut-être prioritairement ? –   sur les médias mobiles qui proposent un lien direct entre la compagnie et le voyageur naufragé qui est par définition en situation de mobilité. Téléphone mobile, réseaux sociaux, affichages digitaux permettent en outre une communication instantanée et parfaitement ciblée à un coût défiant toute concurrence.

Partant de là, l’affaire “Eyjafjallajokull” est pour ces entreprises davantage qu’un challenge phonétique : c’est une gageure à relever en matière de relation client. Si ces cas ne sont pas nouveaux, il est intéressant de comparer la manière dont les compagnies utilisent les médias dits “sociaux” comme levier dans le communication de crise. Si les compagnies américaines se distinguent de plus en plus par le bon usage de ces outils (et de twitter au premier chef), j’étais curieux de savoir si les compagnies européennes, qui nous concernent davantage, ont fini par leur emboîter le pas. Et ce d’autant plus qu’elles avaient l’occasion d’apprendre très récemment.

Cette affaire de volcan m’a rappelé le billet d’un blogueur, Bertrand Duperrin  (http://bit.ly/9AFzkC). Dans ce texte, il raconte son expérience lors de la tempête de neige qui a cloué au sol une grande partie de la flotte nord-européenne en décembre dernier. Bertrand est un cas intéressant pour trois raisons : passionné par l’industrie aérienne il attend beaucoup des échanges qu’il peut avoir, hors et période de crise, avec les compagnies qu’il utilise. “Frequent Flyer”, il est exigeant sur le service qui lui est apporté. Expert reconnu en matière de réseaux sociaux d’entreprise, il a pu analyser et comparer ce qu’il a vécu lors d’un arrêt forcé de près de 40h à Amsterdam.

Sa comparaison de l’utilisation de ces médias par KLM et Air France est pour le moins édifiante et pour avoir par la suite benchmarké moi même l’activité des deux entreprises sur Twitter, l’issue de la crise actuelle ne laissait guère planer de doute. Plutôt que décerner les mauvais points, attachons nous à comprendre ce qui fait de KLM la compagnie européenne de référence sur le sujet.

  • Créer du lien quand tout va bien : au quotidien KLM écoute ceux qui parlent d’elle, répond aux questions et fait sentir à chacun qu’il y a une présence, même virtuelle, à leur coté aussi bien lorsqu’ils voyagent que lorsqu’ils sont chez eux.
  • Avoir un ton approprié : KLM ne se sert pas de ces médias que pour “pousser” ses promotions (il y a des newletters et un site pour cela) mais pour écouter et discuter d’aspects pratiques liés au voyage en général, à l’expérience des passagers que la compagnie partage d’ailleurs avec tous ceux qui l’écoutent.
  • En temps de crise les informations tombent régulièrement. Que ce soit le week end ou la nuit, là ou d’autres cessent d’informer hors des heures de bureau.
  • Avoir un ton approprié : KLM le dit elle même et l’a reconnu dans un de ses échanges avec Bertrand sur Twitter : “on ne vend rien, on est là pour aider, rendre service, et améliorer l’expérience du voyageur”.
  • Informer là où sont les gens sont : le média social n’est pas vu comme un gagdet en plus mais comme un élément de plus d’un dispositif client plus global. Il y a twitter, la page sur Facebook, et bien sur les canaux plus institutionnels mais tout cela conconcoure à un seul objectif : répondre au client là où il se trouve, sur le média qu’il utilise.
  • Etre franc. En pleine “crise du volcan”, KLM reconnaissait sur Twitter que son site internet était “tombé” et qu’on était en train de le remettre en marche. Une chose que beaucoup auraient évité d’ébruiter alors que KLM a choisi l’option inverse : puisque cela va se voir et se savoir autant prévenir et donner des sources d’informations alternatives en attendant.

Quels sont les bénéfices concrets ?

  • Une réputation grandissante : le propre de ces médias étant une grande viralité, il se sait de plus en plus que KLM est une compagnie “sympathique”, prévenante, et ouverte à la discussion.
  • Un impact sur les choix des voyageurs. Lorsque des gens connus pour beaucoup voyager vantent un transporteur dont ils reconnaissent qu’il n’était pas leur choix privilégié auparavant, et que leur voix “porte”, ce n’est pas neutre dans les choix que leurs contacts opéreront à l’avenir. Qui plus est quand on sait qu’une statistique récente montre qu’un utilisateur moyen dans facebook en influence 20 autres. Avec 15 millions de français inscrit dans LE réseau social et environ 7 millions d’entre eux qui s’y connectent chaque jour (chiffres Facebook France, Challenges 15 avril 2010), on parle juste de l’équivalence, en audience, d’un prime time TF1.
  • Une clientèle fidèle. Tout le monde le reconnait, il y a “quelque chose” avec KLM. On ne sent pas la machine marketing d’une compagnie aérienne mais la présence bienveillante d’une personne dévouée, fut elle derrière un écran.
  • Cohérence : un excellent service “en vol” est aujourd’hui essentiel. Mais désormais si la qualité de la relation s’arrête à la descente de l’avion, le consommateur est frustré et déçu. Il veut que ce lien, cette relation perdure entre deux vols. L’excellence en vol et au sol de KLM se prolonge désormais ‘online’ pour la plus grande satisfaction du client plus fidélisé que jamais. Ce que l’on appelle une « brand expérience » réussie à l’heure du digital et du « real time information ».

Les réactions des clients sur twitter, Facebook, les blogs, sont unanimes : la proximité ‘en ligne’ de la compagnie leur a rendu l’attente agréable. Bertrand ajoute “désormais je suis même personnellement en contact sur Facebook et Linkedin avec ceux qui m’ont suivi et tenue compagnie lors de ce naufrage. On discute de choses et d’autres et je suis pressé d’avoir l’occasion de repasser par Amsterdam…C’est toujours agréable de voler avec des amis non ?”.

Chez groupeReflect nous avons conscience depuis des années que l’attention doit être au cœur d’une stratégie de marque globale qui traite également tous les canaux de communication de manière complémentaire et cohérente. L’attention constitue d’ailleurs la nouvelle valeur des marques à l’heure d’un monde de plus en plus temps réel et hyper informé. Gagner l’attention du client en étant remarquable implique également de prêter attention au client en le remarquant dans des moments moins critiques pour créer ce lien qui fera la différence lorsque ça sera nécessaire. Il est désormais temps que les marques reconsidèrent le monde médiatique qui les entoure et fassent du digital une occasion expérience de marque d’excellence.

La bonne nouvelle pour le client est que ces “bonnes pratiques” ne restent pas isolées et que les compagnies sont contraintes de s’aligner sur celles qui ont pris une longueur d’avance. La raison ? Le client. Lors de la tempête de décembre un groupe de “Frequent Flyers” discutait en ligne avec KLM et haranguait Air France pour qu’elle rejoigne la discussion. Ce dimanche un “passager élite” de Lufthansa faisait remarquer à son transporteur favori que ce qu’il attendait d’eux était un service en ligne “à la KLM”. D’ailleurs après 4 jours d’hésitation, Air France a commencé à faire du KLM… Il était temps, même ses voyageurs les plus fidèles commençaient à trouver la comparaison avec KLM difficile et les experts internationaux eux même, se servaient du comparatif Air France / KLM pour montrer ce qu’il fallait faire et ne pas faire (http://bit.ly/cOzbHD)

Les “belles histoires” relevées lors de mon monitoring des comptes twitter de ces compagnies sont fédératrices et créatrices de lien, d’attention et, au final, de valeur à la fois pour ces compagnies et leurs clients. Je rappelle d’ailleurs que plus de 75% des français préparent leur voyage avec l’aide d’Internet (étude Protourisme, mars 2009).  Une chose est en tout état de cause certaine : lorsqu’un épisode de ce type se produit, le client ne donne plus seulement de bons points à ceux qui sont les bons élèves. Il pointe aussi du doigt les mauvais, laissant à chaque fois une emprunte indélébile de son avis sur Google.

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