07/23/2010

Réflexions sur la nature profonde des choses

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Le discours usuel sur le web social est improductif, tout comme l’est ce que l’on peut généralement lire ici où là sur le web en général. Il est improductif parce qu’il n’apporte que très rarement de vraies justifications à l’investissement durable là-dedans et je ne parle même pas de donner du sens. J’ai évidemment en tête Solow mais dans le fond, si personne ne doute de l’intérêt à digitaliser, cela relève d’une démarche outil, de problématiques de productivité ou de performance. Même l’e-commerce est traité comme un canal, ou un moyen, alors qu’en fait c’est du commerce tout court.

Il est dans ma nature de geindre régulièrement face aux approches à base d’outils magiques, de solutions sur étagères ou hors-sol, bref des approches déconnectées de la réalité de base qu’elles sont sensées transformer. Cela dit, je veux bien admettre qu’il m’arrive d’être un peu schizophrène, en bon marchand de pelle que je suis. Mais comme l’a dis Jobs l’autre soir, on essaye de faire mieux tous les jours.
J’adore attaquer mes auditoires sous l’angle des usages. Il est toujours fascinant de voir que personne ou presque ne sait ce que c’est. Les usages et les usagers sont ailleurs. On ne les comprend pas et quand on essaye de le faire, ils dérangent la pensée établie. Le client/usager est un empêcheur de tourner en rond. Heureusement, il y a les taux de conversions qui ont l’avantage de niveler tout ça, avec un bon cadran et des leviers de commandes. En plus ça marche. Mais, à l’heure où on nous rabâche les oreilles que les gens changent et que les cerveaux mutent, il serait peut-être utile de comprendre ce qui se passe, sinon d’envisager ce qui va se passer.

Là est la source de tous nos maux car, jusqu’à présent, l’essentiel de notre énergie a été consacrée à faire des autopsies pour tacher de comprendre les choses qui s’étaient produites. Nous sommes les chirurgiens de la Renaissance qui disséquons des cadavres à la recherche de la vérité. Je garde personnellement un souvenir de l’accélération pré-web 2.0, quand il est clairement apparu que les gens faisaient des choses que personne n’avait vraiment envisagé. L’utilisateur lambda a des usages qu’il ne conceptualise sans doute pas lui-même, sauf qu’ils ont un sens et des résultats suffisamment puissants qu’ils en arrivent à s’imposer à nous. Nous subissons les événements, littéralement. Le train est lancé plein gaz. Personne ne sait où il va et on ne peut pas en descendre. Voilà la réalité.

A défaut de compréhension globale, nous sommes donc enfermés dans de la plomberie ou de la tactique. Tout n’est que discours de tacticien sinon de technicien. Et quand cela parle d’études de cas, cela relève de la médecine légale. Ce sont des autopsies. Leurs leçons ne valent que pour le passé, leur transposition est aléatoire.
Pourtant, les exemples de réussites outrancières ne manquent pas avec, au hasard, Google, Apple Zappos ou Obama. La particularité de ces gens, c’est qu’ils ne pensent pas en tacticiens. Chacun d’eux a compris la véritable nature du monde à l’ère digitale. Ils n’ont pas cherché à transposer quelque chose de connu, ils ont proposé une réponse totalement revisitée d’un sujet. Google n’est pas un moteur de recherche, l’iPod n’est pas un lecteur mp3, Zappos n’est pas un e-commerçant de la chaussure et Obama n’est pas devenu président en lançant un réseau social. Google a revisité le web en tant que champ informationnel et documentaire, Apple a proposé un nouveau marché de consommation de la musique, Zappos fait de la chaussure un service et Obama a inventé une autre façon de militer et de faire campagne. Quatre choses uniques et non reproductibles car elles dépendent du regard et de la compréhension profonde de leurs porteurs. Accessoirement, cela ne s’est pas fait en un jour. C’était déjà le cas pour Rome.

Le monde est devenu hyper complexe et change à grande vitesse. Il n’y a plus de solution sur étagère, il n’y a pas de recettes miracles. Il n’y a que de la compréhension des marchés, de sociétés, des gens, quelque chose qui n’a plus de sens autrement que dans une connectivité au réel qui permet d’être synchrone avec les événements. Voilà le comble. La justification est évidente, pour peu qu’elle soit admise et comprise. Qui prend la peine de commencer par s’en soucier ?
Oui, je parle d’innovation et même d’innovation sociale. Je parle surtout d’aptitude à se remettre en question, à changer de position, à regarder les choses avec un oeil neuf. Certains nous disent que changer dérange, mais dans le monde d’aujourd’hui, il faut savoir ce que l’on veut. Changer ne se décrète pas, changer se fait ensemble, changer c’est se connecter au monde, pas au passé.

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