04/06/2005

L'e-commerce bouscule le commerce traditionnel

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

L’année dernière a été celle de l’entrée dans l’ère de la maturité pour l’e-commerce. Les cybermarchands sont rentables et l’e-commerce devrait en 2005 franchir des seuils symboliques, en devenant notamment la première modalité de VPC en France ou en faisant de Fnac.com le premier “magasin” du groupe par exemple.
Tout cela est des plus logique.
2004 a été marqué par une croissance massive du nombre des “e-consommateurs”, selon une vague qui n’est ni plus ni moins que la continuité de celle de la massification de l’équipement en accès au débit débutée il y a deux ans.
Deux années, c’est le temps qu’il faut à quelqu’un pour banaliser l’usage de l’Internet et donc atteindre le stade de la confiance suffisante pour consommer en ligne. Quand on juge qu’en deux années, la proportion d’abonnés au haut-débit a plus que doublée, on peut aisément faire le pari que le nombre de e-consommateurs va suivre le même chemin.
Avec cette massification, l’e-consommation n’est plus cantonnée aux geeks ou aux CSP+ des grandes agglomérations. Cela fait un moment que l’on voit monter en masse les seniors et les populations des villes moyennes. Monsieur et Madame tout le monde consomme en ligne. L’e-commerce est pratiquement devenu une banalité.
Il est donc plus que sérieusement temps pour tout commerçant qui se respecte de regarder le phénomène de près. Je ne renouvellerai pas ici sur mon plaidoyer régulier sur la frilosité des PME françaises à se lancer dans le grand bain des TIC et du e-commerce en particulier, je vous propose plutôt de commencer à voir comment le commerce de proximité devient concerné par le sujet.


Il y a 5 ans, au début du e-commerce et en pleine bulle internet, le commerce de proximité avait manifesté des inquiétudes vites dissipées devant la faiblesse des résultats des pionniers, mais les choses ont bien changé maintenant.
Je vous invite notamment à réfléchir simplement à ce que vous avez fait pour Noël dernier. Personnellement et j’ai pu juger que ce n’était pas un cas isolé, plus des trois quarts des achats ont été réalisés en ligne, notamment pour tout ce qui est biens culturels, électronique, jouets et même habillement. Embouteillages, impossibilité de stationner, cohue et queues en tout genres, sans parler de l’incertitude de trouver ce que l’on cherche, cela fait longtemps que l’intérêt du web marchand s’est imposé à la maison.
Bref, la vente en ligne est en train de devenir un sérieux concurrent au commerce local, notamment si l’on songe à des domaines comme les voyages, les biens culturels ou l’électronique grand public et au fait que les populations qui ont du pouvoir d’achat dépensent de plus en plus celui-ci sur le web, donc au détriment du commerce de l’endroit où ils résident.
Alors, comment doivent-ils réagir ?
– Certains d’entre-eux se lancent eux-mêmes dans la vente en ligne. Au regard des très nombreux cas que je connais depuis des années et dans des domaines aussi divers que le linge de maison ou la composition florale, ces petits commerçants réussissent tellement bien qu’ils finissent par fermer le magasin physique et deviennent de purs VPCistes convaincus. Grand bien leur fasse, mais je ne suis pas sûr que cette dynamique plaise beaucoup aux tenants de la revitalisation des hyper-centres…
– D’autres, en témoignent les nombreux assembleurs et revendeurs de la rue Mongallet à Paris ont opté pour un choix intéressant. Ils se sont organisés et ont mis en place un comparateur de prix permettant de donner une visibilité à l’offre collective qu’ils représentent. Ils positionnent donc du commerce réel face à la vente en ligne sur les mêmes outils qu’elle. En janvier dernier, ce service recevait plus de 500 000 visiteurs, avec un apport d’activité important. Certes, nous sommes à Paris et dans un secteur géographique qui concentre un nombre de commerçants informatiques incroyable. Ce modèle ne semble à priori viable que sur des cas similaires, dans de grandes agglomérations.
– Si vous étiez dans l’Internet au XXe siècle, vous vous souvenez certainement des galeries marchandes, concept très prisé et flop magistral. Aujourd’hui certains y repensent, mais les cas que je connais se présentent surtout comme de redoutables exercices de construction de modèles économiques un peu hasardeux.
– On notera par ailleurs les petits malins qui vendent via eBay, qui plus est avec une certaine réussite (!)
– Enfin, je ne m’étendrai pas sur les sites vitrines qui ont le mérite d’exister, mais qui n’apportent pas grand chose.
Je ne suis pas convaincu que la vente en ligne soit réellement la solution du libraire de quartier, mais je pense que l’Internet est un outil à saisir pour faire autre chose.
La vraie question à se poser est toute simple et très classique : pourquoi est-ce que mes clients viennent chez moi ?
Que ce soit l’e-commerce, les grandes chaînes ou la grande distribution, le prix, le choix et la practicité comptent beaucoup. Si le libraire de quartier veut lutter, il doit apporter de la valeur ajoutée au niveau du service et dans une relation plus personnelle. Il doit se différentier, sujet sur lequel trop peu de professionnels se posent des questions. L’Internet est à ce niveau devenu un moyen mature d’apporter un support pertinent de fidélisation.
On connaît bien dans le modèle d’e-commerce de niche qui fait le succès des petits VPCistes, que celui-ci dépend de leur capacité à créer de la communauté autour de leur boutique, à nourrir une expertise et une attention one-to-one à la base de la fidélisation. On voit bien actuellement comment les blogs peuvent notamment être un facteur de succès de certaines boutiques, tel l’inévitable La Fraise.
C’est en se donnant les moyens d’animer et de stimuler une communauté virtuelle de clients et amateurs que le commerçant pourra renforcer sa visibilité et fidéliser des populations plus inclinées à le délaisser pour acheter en ligne. Il doit donner matière à ce que son magasin dépasse les murs de sa boutique pour investir aussi les navigateurs et lecteurs RSS de ses visiteurs et clients. Il doit s’inscrire dans leur univers d’échange. Il doit aller vers eux plus que d’attendre qu’ils viennent vers lui. L’avenir est dans le service et l’entretien d’une relation régulière avec le coeur de sa clientèle.
Tout cela est donc un peu plus complexe qu’un simple site web. Cela demande peu d’investissement matériel, mais du temps, de l’expertise et de la veille sur son sujet, de la créativité et une organisation rénovée. C’est une vraie démarche de fonds qui n’est pas technologique, mais centrée sur l’utilisateur et ses usages.

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