08/24/2005

L'accès au marché au coeur du débat sur l'innovation

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

C’est intéressant comme ces derniers mois les débats sur l’innovation dans notre beau pays se sont exacerbés. On le doit aux impulsions croisées de la crise existentielle de la Recherche française, des invectives sur la mondialisation, les délocalisations ou la désindustrialisation de la France. Dans le domaine de la société de l’information, j’y ajouterai pour ma part la prise de conscience générée par Google News, symbole des plus criant.
Grace à tout cela, il n’a pas manqué d’annonces gouvernementales ou européennes, sans parler des pôles de compétitivité. Le rapport Beffa et l’annonce de l’agence d’innovation industrielle qui en découle s’est également révélée un puissant catalyseur de réactions.
Pour ma part, ce sujet me passionne et j’avais choisi de ronger mon frein depuis le rendez-vous d’Aix-en-Provence et de laisser passer l’été. Il pleut, on peut donc y aller.

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En juin dernier, la dernière Université de Printemps de la FING faisait preuve d’opportunisme en traitant de l’innovation, justement. Passé un moment de tension révélateur, le sujet de fonds se révéla aux participants : il n’y a pas de crise de l’innovation, mais une crise profonde en terme de politique et de pilotage de l’innovation.
C’est exactement autour de ce thème que cet été a vu fleurir les tribunes et contributions. À ce propos, merci à Jean-Michel Billaut d’avoir commenté (et 1 et 2 et 3) fort à propos certaines ce sujet.
D’abord un constat simple qu’il faut se répéter pour arrêter de prendre des vessies pour des lanternes. L’Europe, n’a produit aucun des grands champions actuels de l’économie numérique, des entreprises qui n’existaient pas il y a 30 ans. Nous fêtons actuellement les 10 ans de l’e-business et aucun des fleurons du net n’est en Europe. Certes, il y a Nokia (sur lequel Cisco a lorgné récemment), mais c’est l’exception qui confirme la règle. On nous bassine avec l’économie de la connaissance, mais ce train, l’Europe ne l’a pas pris et cours derrière. L’épisode Google News en est l’illustration amère.
Il serait donc temps d’avancer. Il y a des intentions, à la suite de celles de Lisbonne, comme i2010, mais aussi des cri d’alarmes, comme celui récent de la commission européenne face à l’indigence des moyens dégagés au niveau européen en faveur de la recherche et de l’innovation dans les TIC, par rapport aux USA et au Japon. À croire que nous pouvons nous le permettre !
En France, on a donc assisté à un torrent de critiques formulées contre la politique des agences. Nos élites nous resservent un bon vieux programme colbertiste que l’on croyait disparu depuis les 30 glorieuses et qui paraît effectivement d’un autre temps aux observateurs de tout poil. J’ai en tous les cas bien lu avec circonspection le Ministre de l’Industrie du précédent gouvernement nous dire que “l’économie de la connaisse passe par l’industrie“, signifiant ainsi une orientation claire pour le soutient de l’existant du XXe siècle plus que la génération de jeunes pousses du XXIème.
On est bien loin du principe Schumpétérien de destruction créatrice des économies modernes et dans l’illustration qu’ils sont nombreux à n’avoir pas compris ce qu’est la société de l’information ou l’économie de la connaissance.
Accessoirement, dégager de l’argent pour financer l’innovation, c’est toujours bon à prendre, mais j’avais la faiblesse de croire que les FCPI servaient à cela, mais l’article du Monde de mai dernier a sérieusement plombé cette croyance.
Mais pour innover, il ne suffit pas d’argent, il faut d’abord des innovateurs et pour cela, il faut que l’entreprenariat soit une valeur positive au sein de l’enseignement supérieur, puisque c’est en son sein que l’on attend notamment qu’il se trouvent, à l’instar des étudiants de Stanford Larry Page et Serguey Brin fondant Google en 1998.
Certaines écoles comme l’INRIA sont d’excellents incubateurs à innovation, mais ce type de démarche est peu représenté et mal perçu ou incompris. Certes, la mise en place des incubateurs régionaux dans les Universités a été une bonne décision, mais il y a encore du chemin à faire pour que ce type de démarche d’essaimage soit reconnu dans les mentalités et l’identité de corps. Les pôles de compétitivité vont-ils permettre le développement d’une coopération fructueuse entre recherche et entreprises. J’avoue être par expérience assez perplexe sur le sujet pour ne pas juger sur pièce.
Pour innover, il faut des innovateurs-entrepreneurs, de l’argent, mais ce qui est le plus important, c’est d’accéder au marché. C’est justement à ce niveau que le bas blesse il me semble, en France et en Europe, et c’est sur ce sujet que l’on ne voit pas grand chose venir.
Je ne suis pas spécialement un inconditionnel des USA, mais s’il y a quelque chose à prendre de l’autre côté de l’Atlantique, c’est le Small Business Act. Cette loi qui impose ni plus ni moins aux administrations que de confier 23% de leurs achats à des PME. C’est un élément central de stimulation de l’innovation car les jeunes entreprises y trouvent un débouché, ne serait-ce que sur le pléthorique budget de la défense US. Son principe a largement diffusé autour des grandes multinationales, qui utilisent ce principe pour créer un écosystème favorable à une myriade de jeunes acteurs innovants dans lequel ils puisent innovation et opportunités d’acquisitions.
De ce côté-ci de l’Atlantique, on sait combien les grands marchés sont trustés par les grands comptes et combien il est difficile pour une jeune entreprise d’accéder aux marchés publics et d’y être retenus. Le seul fait de sa jeunesse et de son manque de références lui ferme la porte.
C’est là que le débat actuel est intéressant, car il a mit sur le feu des projecteurs l’intérêt d’un Small Business Act par ici. On sent des intentions, et il y a même une pétition en cours.
À Aix-en-Provence, nous avons appris que France Télécom s’était lui-même doté récemment d’une politique similaire afin de stimuler un environnement innovant dans son giron. Faudra-t’il que ce soient les entreprises qui montrent la voie à nos gouvernants dans ce registre ?

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