09/18/2005

Bibliothèque numérique vs GooglePrint : sortir du manichéisme

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Jean-Michel Salaün, professeur à l’Enssib et responsable du réseau CNRS “documents et contenus : création, indexation, navigation”, livre une interview dans le Journal du CNRS qui m’a proprement réjouie. Son propos m’a également remémoré ceux de l’éditeur espagnol José Antonio Millan cité par LaFeuille sur la question.
On devrait en effet en revenir à quelques vérités pour arrêter le ridicule.

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Voir en Google le spectre d’une volonté supérieure visant l’hégémonie culturelle américaine, c’est nier l’objectif éminemment commercial de Google et le fait que le géant américain n’attend qu’une chose : que l’on discute avec lui pour s’entendre. Preuve en est la vraie-fausse pause qui a tant fait de bruit et qui n’est que l’annonce d’un prochain accord avec les éditeurs américains, sur une question très pertinente liée à l’adéquation du “fair-use” avec une approche industrialisée de la citation. Les éditeurs français, qui viennent d’entamer les discussions sur GooglePrint ne s’y trompent pas.
Il serait par ailleurs utile de balayer devant sa porte. Il n’y a pas de coordination des différents efforts de numérisation et on sait déjà qu’une partie de ce qui est en train de se faire ne sera pas pérennisable. En outre, Google est venu fort à propos souligner l’importance d’un accès au plus grand nombre, à l’heure où certains critiquent l’élitisme d’un Gallica. Il ne faut donc pas se tromper de combat. C’est sur les méthodes et la qualité de l’indexation et de l’accès au contenu qu’il faut se situer, pas sur les outils ou les initiatives qui en exploitent la richesse. En ce domaine, le monopole n’est pas à même de répondre à tous les besoins en même temps.
Les enjeux d’indexation sous-jacent au débat sur la numérisation des contenus culturel, c’était déjà, en février dernier, le propos d’un billet d’Hubert Guillaud sur lequel j’avais rebondi. Comme quoi, on n’a pas beaucoup avancé.
Jean-Michel Salaün suggère pour sa part que l’Europe aurait mieux à faire qu’un projet concurrent en se situant sur le terrain de la régulation de l’accès aux contenus, j’ajouterai “et de leur indexation”. Edicter une directive, l’Europe sait faire. Par son poids économique, l’Europe en arrive même à s’imposer à l’économie US (voir ce qui se passe – même si c’est difficile – avec le projet REACH concernant la chimie).
Il est juste de souligner que c’est le rôle de l’action publique, dans sa logique de neutralité, que de contribuer à une meilleure transparence sur les méthodes d’indexation et autres moyens de mesure d’audience. Google lui-même n’est-il pas accusé de fraude au clic sur des liens sponsorisés et on connaît les débats sans fin sur la fiabilité des différentes solutions de mesure d’audience. S’investir dans un système de régulation permettrait de faire du ménage et de garantir à ce secteur économique une pierre angulaire indispensable à fiabiliser son écosystème.
En conclusion, ce serait effectivement bien de revenir à un peu de bon sens. La France et l’Europe ont tout intérêt a discuter avec Google et même à participer à son projet, ce qui n’exclue pas d’autres initiatives. En faisant preuve d’esprit de coopération, on obtiendra le respect des principes de pluralisme culturel et linguistique auxquels nous sommes tous attachés. Accessoirement, cela permettra aussi de travailler à un peu de cohérence et de régulation dans un domaine qui en a bien besoin.

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