07/11/2007

Economie de la connaissance implicite

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Il y a des sujets qui avancent doucement et puis tout à coup, un billet fait effet de cristallisation. C’est typiquement le cas avec Alex Iskold, chez Read/Write, sur le web implicite. Hubert a rebondi sur la lecture faite par Affordance pour creuser la question du devenir du lien hypertexte. Pourquoi pas, mais personnellement, je trouve que le débat est d’abord sur les modèles de business et les questions d’identité numérique et de gouvernance qui vont avec.

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L’idée de web implicite est très simple. À partir de ce que l’internaute consulte, mais aussi et surtout de ce qu’il fait et exprime sur le réseau, il dessine une identité qui permet au le système de suggérer des propositions et donc implicitement d’adapter le service à son cas. Comme je le disais la semaine dernière, le web 2 nous a un peu enfermé dans le registre du déclaratif, alors qu’il y a tant à tirer de l’implicite et dépasser cette vision en troupeaux dont en perçoit bien les limites
Il est presque troublant de parler d’implicite maintenant, alors qu’à l’ère mythique du one-to-one, il y a presque dix ans, Amazon jouait déjà à ça. Cela dit, aujourd’hui, on est en droit de penser qu’avec toutes les traces que l’on laisse en ligne, les liens qui se tissent avec notre identité numérique (un sujet qui avance vite cette année) et celui connexe des réseaux sociaux, nous sommes effectivement en capacité de dresser un profil à l’échelle des usages web de l’individu et pas seulement de ce qu’il fait sur le service lui-même (ça, c’était Amazon en 1998, déjà, donc).
Accessoirement, et histoire d’évacuer les questions de plomberie, je suis assez surpris que personne ne fasse le lien avec les microformats. Voilà décidément encore une bonne idée enfermée dans une approche techno et pas assez business. Dommage.
Je ne suis pas loin de penser que l’après web 2, c’est justement le web implicite qu’il faut regarder. Sauf que comme c’est souterrain et que ça ne change rien à une vision de surface déclarative et participative. On se passera de “web 3”, on a déjà en magazin l’économie de l’attention, celle qui justement me fait dire que c’est bien sur le registre des modèles de business que ça se passe. Exemples.
Récemment, Google a donc racheté Feedburner. Et qu’a fait Google ? Et bien il a rendu le service complètement gratuit et fait une croix sur les quelques millions de dollars de CA des comptes pros. Quand on vend de la pub contextuelle, le coeur de business, c’est la connaissance client, donc il est hors de question d’en réduire l’envergure par l’élitisme d’un compte payant. Je passe sur Amazon, qui a donc quasiment inventé ça (mais qu’est-ce qu’Amazon n’a pas inventé ?) et sur Last.fm, emblématique de l’AttentionTrust, puisque son modèle est justement de suggérer des interactions implicitement. Enfin, le succès de Facebook est intimement lié à sa capacité à suggérer de la socialisation, dans un modèle très structuré afin que, justement, le profiling soit bien implicitement qualifié.
Le web implicite, ce n’est pas juste une question de moteurs de recherche qui tiennent compte de ce que nous sommes (comprendre de ce que nous publions, visitons, marquons ou notons), ce sont des processus inscrits dans les mécanismes du service pour qu’ils s’adaptent à ce que nous sommes et nous servent donc mieux, sans que cela empêche pour autant des parcours et choix déclaratifs.
Le web implicite, ce n’est pas du design d’interface, c’est considérer les services au regard de ce qu’ils produisent en terme de connaissance utilisateur et de leur capacité à tirer profit de cette connaissance pour se contextualiser à l’attention de celui qui s’en sert. C’est déjà et comme je le suggérais semaine dernière, savoir bêtement adapter le service au degré d’implication de l’utilisateur. Si j’interagis beaucoup, j’aime que soit mis en avant le fruit et les modalités de cette interaction, et si je suis simple consommateur ou lecteur, j’apprécie à ce que l’information soit valorisée et non les commentaires au premier rapport. Une réponse aux problèmes de dosage des refonte média type USA Today.
Enfin, le web implicite a, à mon avis, une forte porosité à développer avec le décisionnel, à moins que ce ne soit le décisionnel qui devrait lorgner sur sa capacité à piloter des processus d’adaptation de service implicite. Mais je m’égare…
En fin de compte, j’ai bien envie de penser qu’il y a ceux qui pensent le business en terme de connaissance client à l’heure du web et les autres. Car si j’ai appris quelque chose à jouer à construire des modèles de business depuis plus de dix ans, c’est qu’à la fin il manque souvent une étape dans la réflexion, celle qui consiste à se poser des questions économiques sur ce que l’on peut tirer de ce qu’il y a dans les bases de données, sans parler de ce que l’on pourrait y mettre. Et je ne parle pas simplement du cas classique de la place de marché qui, ayant atteind la masse critique suffisante, est capable de délivrer des indicateurs marchés. Voilà une chose assez banalisée, que Xiti, par exemple, a bien compris quand il exploite sa position dominante de la mesure d’audience pour nous parler de taux de pénétration du RSS. Non, il y a maintenant encore un nouveau palier, celui qui consiste à reboucler sur le business, tenant compte de la connaissance accumulée et plaçant la collecte et la transformation de cette connaissance comme coeur de business.
Economie de la connaissance, voilà un de ces joli mot-valise dont j’adore questionner leurs verbalisateurs sur ce qu’il veut dire. Alors on me parle de numérique, d’e-commerce, d’économie des services, que sais-je encore. Et bien moi, je pense que l’économie de la connaissance, c’est de celle de ses usagers et consommateurs dont on parle, une économie qui, pour le coup, met vraiment le client au centre du système et pose un sérieux changement pour le marketing, bien plus que celui que le web 2.0 lui proposait, ce qui n’est déjà pas gagné. Bienvenu au XXIe siècle.

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