12/09/2009

Du crowdsourcing

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Cela fait maintenant un sacré paquet d’années que, tous les jours que Dieu fait, ou presque, j’explique à des marques (au sens large) qu’elles doivent se connecter à leurs clients, intégrer le web social, faire partie du web plutôt qu’être dessus et tout ce genre de choses. J’y adjoint les chiffres, les cases et parmi ceux de jolis indicateurs qui montrent que ça marche. Genre voulez vous faire -6% ou +16% par exemple, ou gagner 6M$ avec Twitter comme Dell, entre autres choses additionnelles à ce qui est dit dans notre livre blanc sur le marketing de l’attention.

Tout cela est magnifique et force le respect de l’auditoire, mais ne se traduit pas nécessairement en projets stimulants. Même si on vous dit que tout ceci est évident et indispensable, il y a pleins de raisons et de réalités qui empêchent de le faire. La plus classique est l’enfermement du digital dans une case, généralement opérationnelle. Connecter ses clients ne s’enferme pas dans une direction lambda et demande une intégration pleine et entière de ce que cela signifie dans la stratégie d’entreprise et une vraie mise en réseau des acteurs. L’innovation se fait par synthèse créative, ou pas du tout. C’est, à titre d’exemple, ce qu’est en train de se rendre compte le tourisme institutionnel, avec qui j’ai partagé ces choses ces dernières semaines, et tâté du plafond de verre. Lire cet excellent témoignage de Jean-Luc Boulin sur eTourisme.info. Des choses que pleins de gens devraient méditer. C’est aussi par là qu’on en vient à réfléchir en terme d’expérience du consommateur et pas en terme de produit, histoire de considérer ledit consommateur comme autre chose qu’un porte-monnaie.

Et oui, le consommateur a un cerveau. Il est doué de la parole et maîtrise maintenance massivement cette chose étrange qu’est le web. Il y collabore avec ses congénères, lui. Et même si c’est de la discussions de sortie des poubelles, elles peuvent se révéler toutes aussi riches que les mêmes qui ont lieu à la machine à café, lieu archi-connu où se fait la collaboration en entreprise, la vraie (d’avant les réseaux sociaux d’entreprise, évidemment).

Il se trouve que (feu) le Web 2.0 a promu cette belle idée qu’est le crowdsourcing, l’approvisionnement par la foule en bon français (n langue de Molière, c’est fou comme c’est déjà plus explicite).
Je ne vais pas refaire ici toutes sortes de constructions intellectuelles, de constats pratiques sur le sujet, ou de quête de sens. Je ne vais pas non plus réexpliquer les principes de bases des modèles économiques en mode participatif. Cela fait bien longtemps que le crowdsourcing a modélisé l’exploitation de la participation, et pas seulement dans les médias. Le crowdsourcing n’a pas à être inventé, il existe. Sans faire de bruit, des Mecanical Turk ou Innocentive font le job. A voir aussi cet exemple de comment fabriquer des automobiles définies par les gens (merci Laurent).

Je vais juste constater ici que cette façon de faire génère beaucoup de doutes. Qu’il est difficile de concevoir que ce soit possible, à savoir que des gens puissent, spontanément, vous donner quelque chose : un avis, un retour d’expérience, des idées.

Et pourtant, mobiliser le client est en fait une vieille réalité, bien plus ancienne que le crowdsourcing, qui ne fait que permettre des approches plus vastes et plus industrielles.
Ceci est très bien expliqué dans cet épisode de la série de billets qu’InternetActu propose sur les Entretiens du nouveau monde industriel. Du self-service à la mobilisation du client, tout est très bien décrit sur la dimension bassement opérationnelle de la chose. Externaliser sur la foule, faire travailler le client, c’est ce qui coûte le moins cher, ce devrait être un fondamental et il ne devrait y avoir aucun problème à envisager l’évolution des modèles. Les Ikea sont pleins de gens qui se battent pour ensuite monter eux-même leurs meubles, moi le premier. C’est même un élément positivement traité de l’expérience de la marque !
Il est bon de dire, même si ça peut déranger, que connecter ses clients, les mettre en action, a des vertus bassement budgétaires et économiques. Ça peut même détruire des emplois diront certains. C’est peut-être même une autre forme de partage du temps de travail, ou un échange de valeur dans le fait que (théoriquement), le prix est plus bas parce que le client fait des efforts en contrepartie.
Ce que je pense quand même, c’est que se connecter à ses clients c’est aussi être en adéquation avec son marché. Quand tout va plus vite et que la nouveauté et le renouvellement (non, je ne parlerai pas d’innovation, il ne faut pas exagérer) nécessitent plus de vitesse, être connecté à ses clients c’est aussi rester dans la course, surtout quand les autres le font. A ce stade, je vous renvoie sur un ancien opus où je vous expliquait qu’il ne suffit pas simplement d’écouter ses clients. Encore faut-il au moins commencer par ça.

La question que je me pose maintenant est la suivante. Si, donc, cela n’a posé de problème à personne de faire travailler le client voire de l’associer aux processus de création de produit, pourquoi diable cela poserait-il un problème particulier à l’heure du web social, quand les clients en questions sont déjà motorisés ? Je crains que ce ne soit parce que c’est sur le terrain de jeu des clients que cela se passe …

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