03/05/2015

L’expérience client au delà de l’initiative marketing

Author: Bertrand Duperrin

Il y a peu, un intéressant article paru sur le site de la Harvard Business Review nous disait que le marketing était mort, tué par la fidélité client. Fort juste, le meilleur des marketings ne peut rien face à un client fidèle, loyal et engagé. Mais c’est une vision un peu réductrice : comme le faisait remarquer Manuel Diaz, la fidélité n’est qu’une conséquence d’une expérience client réussie. C’est donc l’expérience client qui a tué le marketing.

Alors, bien sur, on peut ne pas être d’accord. Notamment parce que, comme certains ont pu le faire remarquer, l’expérience fait partie du marketing, c’est une de ses dimensions. Justement, ce que nous montre le terrain, ce que nous montrent les entreprises qui ont vraiment basculé dans l’économie de l’expérience, est que la ligne directrice des entreprises qui ont basculé dans l’économie de l’expérience est de passer le concept du niveau tactique au niveau stratégique. En faire un sujet qui va bien au delà et bien en amont du marketing.

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Pratiquement parlant, les entreprises passent par plusieurs étapes dans leur cheminement vers des business models digitaux reposant sur l’expérience :

• Faire de l’expérience une surcouche dissociée de l’existant. C’est les premiers pas. On commence le cheminement et on doit faire avec un existant qui n’a pas été conçu et pensé en termes d’expérience. Donc on part de ce qu’on a et on l’enrobe par des dispositifs de communication et de relation client. On est clairement dans la tactique marketing.

• Améliorer l’existant. Sur la base des premiers retours d’expérience on améliore le produit ou le service qui commence à intégrer la dimension expérience en son sein. La marge de manœuvre est faible mais le produit comment à devenir “auto-porteur” en termes d’expérience.

• Concevoir des produits et services nouveaux. L’entreprise est ensuite capable de concevoir des choses nouvelles en intégrant l’expérience dès le processus de conception. L’expérience est pensée sur l’intégralité du cycle de vie du produit = marketing, vente, processus d’achat, expérience d’utilisation, services associés, service client. Ici on voit bien que le processus demande de mettre autour de la table des gens du marketing, du product management, du service client, de la R&D…a minima autour de la table.

Ensuite le niveau ultime est d’arriver à une entreprise qui pense “experience by design”, qui ne fait plus de l’expérience une préoccupation mais une manière de fonctionner, de concevoir et délivrer n’importe quelle de ses activités. Ici l’expérience touche à la fois à la notion de business model et de modèle organisationnel. Pourquoi ?

Tout d’abord parce qu’une expérience réussie a un double impact financier. Elle améliore la marge car elle décorelle la valeur perçue du prix de revient. Elle est aussi facteur de “repeat business” (la fameuse fidélité client) ce qui soulage l’effort marketing quand on sait qu’il icoute infiniment moins cher de “travailler” ses clients existants que d’en conquérir de nouveaux (ou pire, de devoir reconquérir des existants non fidélisés).

Ensuite parce qu’elle a un impact organisationnel évident. Il n’y a pas d’expérience client sans expérience employé. Un employé ne sera capable de penser, délivrer, transmettre une expérience qu’il ne vit pas, à laquelle il n’est pas exposé dans son travail, de la part de son entreprise, de son manager, de ses collègues. Ce qui nous ramène à des notions similaires plus connues du registre du management et du marketing des services avec la notion de symétrie des attentions. Pour que le modèle fonctionne il faut un référentiel managérial et culturel, un mode d’organisation et des process cohérents. A ce niveau vous ajoutez donc a minima le DRH autour de la table.

Bref, en termes d’expérience, disposer de quelque chose de remarquable en front si le backoffice n’a pas été réaligné en termes humains, organisationnels et technologiques, ne génère que dysfonctionnements et déceptions.

Et cela se ressent totalement au niveau des méthodologies que nous mettons en œuvre dans ce type de projet. A chaque progrès réalisé par une entreprise donnée correspond, elle avance dans l’échelle d'”expérience maturity”. Cela se traduit par de nouvelles ambitions dont l’étude d’impact associée montre, qu’au fil du temps, elles mobilisent de plus en plus de compétences (orientées client puis employé), à un niveau de plus en plus élevé et impactent de plus en plus la structure de l’organisation. C’est l’ensemble de ce dispositif qui permet de piloter la stratégie d’expérience d’une entreprise dans le temps, de la tactique marketing à la stratégie d’entreprise, en œuvrant d’abord sur son marketing puis sur sa transformation.

Ce que montre la pratique est que l’expérience est bien une tactique marketing qui a vocation à devenir un modèle d’organisation. Ce qu’elle montre également en termes de dispositif et de méthodologie est qu’il faut articuler dans le temps la dimension marketing et la dimension transformation avec des dispositifs d’accompagnement adaptés à chaque étape.
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